Elle rouspète contre les féministes, trouve que « Me Too, c’est un peu too much » et préfère « les mecs entreprenants ». Au dernier Noël, alors que nous en étions déjà à quelques coupettes (et qu’à l’autre bout de la table ça chauffait déjà sur les retraites), j’ai différé mes arguments. Par pure diplomatie familiale. Mais aujourd’hui, spéciale dédicace à tata Julie, voici un petit vade-mecum sur le consentement sexuel.
C’est quoi au fait le consentement ?
L’accord que les personnes se donnent à pratiquer une activité sexuelle. La notion, d’origine anglo-saxonne, émerge dans les années 1980. Pour résumer, on s’assure que l’autre est d’accord pour avoir une relation sexuelle et qu’il/elle est pleine possession de ses moyens quand il/elle répond. Ca a l’air tout simple et pourtant… J’entends d’ici tata Julie vitupérer : « oui ben moi je n’y vais pas par quatre chemins, quand c’est non, c’est non et je le dis ». Non mais ! Nous en sommes sincèrement ravis pour elle. Mais le consentement sexuel est loin d’être une évidence pour tout le monde.
Un « oui » n’est pas toujours un « oui »
Un oui dans l’euphorie du moment, regretté à la lumière du jour. Un oui « pourquoi pas ». Un oui alcoolisé. Sans aller jusqu’à dire qu’il faudrait faire signer une décharge à tout partenaire sexuel pour s’assurer de son consentement, il peut être judicieux de s’enquérir de la solidité de cet accord comme octroyé du bout des lèvres. Quelle est la question, au fait ? Oui à quoi ? Les possibilités de concrétisation d’un « d’accord on fait l’amour » sont vastes ! C’est nécessaire de se poser la question de si on a réellement envie d’un rapport avant de s’y adonner.
Le consentement au sein du couple
Le mot lui-même charrie une cohorte d’images et d’idées insoutenables. La relation sexuelle sans consentement, c’est un viol. Mais la notion de consentement, même si vous êtes mariés depuis 20 ans, même si vous êtes très amoureuse de votre partenaire, même si tout va bien entre vous sur le plan sexuel, a sa place dans votre couple. S’il y a une gêne, c’est qu’il y a des questions. Comme il/elle va le prendre si je lui dis que là tout de suite je n’ai pas envie ? Et si je lui proposais la brouette javanaise dont une copine m’a chanté les louanges ? Est-ce que je lui dis que cette position-là, finalement ne me plaît pas tant que ça ? Quand tata Julie était avec Nicolas, je suis sûre qu’elle s’est posée ce genre de questions. Et que, pour elle, ça n’a pas forcément à voir avec le consentement.
L’hypersexualisation ne vaut pas consentement
Ce n’est pas parce qu’une femme porte une mini-jupe, des cuissardes ou un top transparent qu’elle veut avoir un rapport sexuel. Avec le premier venu ou avec qui que ce soit. Très médiatisée il y a quelques années, l’hypersexualisation des adolescentes a fait craindre des premières expériences de plus en plus voire trop précoces. Les statistiques du Ministère de la Santé sont formelles : l’âge du premier rapport est stable depuis 10 ans (17,6 ans pour les filles et 17 ans pour les garçons). Bref, jean taille basse ne signifie pas que l’on veut avoir un rapport sexuel. En revanche, selon une récente enquête du collectif #NousToutes, une femme sur six entre dans la sexualité par un rapport non consenti et désiré. Lorsque le consentement est absent, ces femmes sont d’ailleurs plus souvent confrontées à des violences au cours de leur vie sexuelle.
La notion de consentement « enthousiaste »
Et oui tata Juju : « Encore un truc de Ricains ! » Ma tante, qui fantasme sur les grands baraqués, format bûcheron ou hockeyeur, est rentrée dépitée d’un voyage à Montréal : « Ils ne savent pas draguer, on dirait qu’ils craignent que tu leur fasses un procès pour harcèlement s’ils se montrent trop entreprenants ». Depuis toute pensée considérée comme féministe, y compris le consentement mutuel, est « un truc de Ricain ». Toujours est-il que le projet (américain) YesMeansYes, baptisé en référence ironique au « no means yes » (traduisez : elle dit non mais elle ne rêve que de ça), propose une version joyeuse, « enthousiaste » du consentement. Maïa Mazaurette lui a consacré une chronique dans Le Monde dans laquelle elle traduit le propos de ce collectif :
« Le consentement n’est pas une question. C’est un état […] Et si vous voulez avoir des relations sexuelles, vous devez être continuellement dans un état de consentement enthousiaste envers votre partenaire. »
Consentir, c’est sentir avec
Le mot vient du latin consentire (« ressentir ensemble, consentir »). Et si, dans un couple, ou une relation passagère, pour éviter gênes, malaises ou tout bonnement l’absence de plaisir, on en revenait à l’étymologie. Ecouter, observer, parler prend du temps. Mais ne casse pas forcément l’ambiance. Ca peut être excitant de se raconter ce dont on à envie (ou pas), de verbaliser son désir.
Et son consentement à lui ou à elle? On peut en parler aussi. Comme on peut prendre le temps de sentir avec l’autre l’enjeu d’une relation sexuelle : un plaisir partagé.
Alors tata Julie, le consentement, on en reparle au prochain Noël ?