Dans un rapport présenté au Sénat le 28 juin, la délégation aux droits des femmes tire la sonnette d’alarme. Elle souligne le manque de prise en compte de la part des pouvoirs publics des problématiques de santé auxquelles sont confrontées les femmes au travail.
Après plus de six mois d’enquête, le constat est sans appel. Il reste encore du boulot à faire en matière de santé des femmes au travail ! Les conclusions qui ressortent de ce rapport ? Des statistiques genrées “insuffisamment exploitées”, des politiques de prévention “focalisées sur l’homme moyen” et des femmes “davantage exposées à des risques invisibles et silencieux”.
Adopter des statistiques genrées
Si les statistiques genrées sont pourtant bien des données existantes, elles sont délaissées dans un souci de neutralité afin d’éviter toute discrimination. Les politiques publiques de prévention se basent “sur l’homme moyen”. Une stratégie qui n’est pas sans conséquence. Elle ne reflète effectivement pas la réalité de certains métiers largement féminisés et ne permet pas d’adopter en conséquence des mesures de santé adaptées.
Visibiliser les risques pour la santé des femmes au travail
C’est à partir de “l’homme moyen” qu’ont été conçus les équipements de prévention, le matériel ou les postes de travail, relève le rapport. Les équipements n’étant pas adaptés aux femmes, cela a des répercussions sur leur santé. C’est le cas des soignantes ou des femmes de ménages dont les gants de protection “sont trop grands et laissent passer les produits”.
D’après le rapport, on ne reconnaît pas suffisamment les critères de risques dans des secteurs d’activité plutôt féminins comme le soin. Ils ne font pas l’objet d’une prévention à la hauteur de celles réservées à des secteurs professionnels plutôt masculins comme le BTP. De plus, les parcours professionnels féminins étant en moyenne moins linéaires, cela renforce la pénibilité au travail.
Pourtant, prendre en compte des problématiques liées à la santé féminine au travail ne bénéficieraient pas seulement aux femmes, mais aussi… aux hommes. C’est en tout cas ce que révèle l’exemple des conductrices de bus de l’entreprise Linevia. Après qu’elles aient fait part de leur impossibilité de se rendre aux toilettes à la fin de leur voyage, un sujet jusque là jamais évoqué par les hommes, l’entreprise a mis en place des mesures pour assurer à ses employés un accès aux toilettes. Une difficultée soulevée par les femmes de l’entreprise qui concernait finalement également les hommes.
La santé intime et sexuelle, un pan à part entière de la santé des femmes au travail
Dans cette continuité, les sénatrices encouragent la prise en charge des pathologies liées à la variation des cycles hormonaux, comme la ménopause, considérant cette question comme un enjeu de santé publique et d’égalité professionnelle. Si les sénatrices ne sont pas arrivées à un consensus concernant le congé menstruel généralisé, elles ont cependant voté pour l’ajout de l’endométriose à la liste des affections longue durée (ALD), faisant ainsi de la prise en compte des pathologies gynécologiques une réelle priorité. Le rapport n’en oublie pas moins la grossesse et n’hésite d’ailleurs pas à rappeler qu’elle fait l’objet d’une “stigmatisation persistante au travail”.
Par conséquent, les sénatrices préconisent donc l’adaptation des conditions de travail et la sensibilisation des employeurs et des médecins du travail à ces questions-là qu’elles invitent urgemment à intégrer la santé sexuelle et reproductive dans la politique de santé au travail.
L’adoption d’une approche genrée : la solution ?
Pour répondre à toutes ces problématiques, les sénatrices sont formelles : adopter « une approche genre de la santé des femmes au travail » est nécessaire. Cette approche inédite permettrait alors de :
- mesurer les éventuels risques du métier sur les femmes et adapter les mesures de prévention notamment dans les secteurs féminisés
- adapter les équipements jusqu’ici conçus à partir de “l’homme moyen” pour prévenir les risques qui découleraient de cette approche non-genrée
- prendre en compte les pathologies liées à la variation des cycles hormonaux et maladies féminines encore trop peu considérées dans le monde professionnel
- réviser les critères de pénibilité tout en améliorant la reconnaissance des maladies professionnelles chez les femmes
Une prise de conscience des employeurs, des syndicats et plus globalement de la société urgente.